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Trouver des rédacteurs web gratuits, c’est facile ! Ils sont là, nombreux, en mal de textes, à espérer se créer un portfolio dans l’espoir de se faire repérer ! Souvent débutants, parfois, coincés dans une (trop) longue traversée du désert, certains veulent se donner l’impression de travailler, d’autres croient sincèrement que le bénévolat (un peu forcé quand même) leur apportera succès et reconnaissance ou, du moins, quelques missions.
Et vous, demandeurs de textes gratuits, vous y verriez presque un service que vous leur rendez, drapés dans votre magnanimité, prêts à offrir tant de « vi-si-bi-li-té » !
Sauf que... ce n'est bon pour aucun de vous
Proposer de la visibilité à des freelances en échange d’un travail non rémunéré… hum ! Il y a quelque chose qui coince. Pour le rédacteur, se faire connaître pour ses tarifs
à zéro, est-ce du bon personal branding ? Pour le client, le bénéficiaire, le maître d’œuvre, (y’a-t-il un mot pour le qualifier ?), y aura-t-il une garantie sur la
qualité, les délais, voire sur le droit d’exiger quoi que ce soit ?
Je vous explique pourquoi l’idée de demander et fournir des textes gratuits est foncièrement mauvaise, quoi qu’en disent certaines formations, pour le bénéficiaire comme pour le professionnel reconverti dans le bénévolat…
Ah mais oui ! Bien sûr ! Je te vois déjà, toi : « Tout n’est ni blanc, ni noir, et souvent dans les dégradés de gris ». Je ne manquerai pas, pour satisfaire ton désir de nuances, d’aborder les occasions dans lesquelles travailler gratuitement peut s’avérer profitable à tous !
Tu es d'accord avec Emma ?
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La visibilité n'est ni sonnante, ni trébuchante
En général, le deal, c’est une mission = une visibilité.
Non seulement la visibilité n’est ni sonnante, ni trébuchante, mais en plus, tu sais quoi ? On peut être visible en étant payé ! C’est d’ailleurs LA solution pour se créer un portfolio : vendre des textes sur lesquels le client est content (et fier) de te nommer.
Tu es débutant et tu t’imagines que cela est impossible ? C’est vrai… et c’est faux ! Vrai, quand on n’a pas appris à communiquer avec son client, quand on ne sait pas lui expliquer l’intérêt qu’il peut retirer de nos textes. Faux, quand on a suivi une bonne formation en rédaction web ou que l’on a un talent naturel de pédagogue.
Lorsque tu publies un texte gratuit, imagine la conversation entre un prospect et ton commanditaire :
— Salut, Untel ! Il est bon ton rédac, comment tu l’as connu ?
— Super-rédac ? Je l’ai rencontré par hasard, oui, il est très bon !
— Combien il prend ?
— Zéro euro du mot
— Génial ! Tu as ses coordonnées ?
La négociation va tout de suite être mal engagée quand on te contactera !
L'argument du pas de budget
L’argument : « j’ai pas l’budget » mérite un grand « LOL ». Essaie donc, de ton côté, de l’utiliser avec ton épicier, ton plombier, ta femme de ménage ou ton médecin et viens ici, dans les commentaires, nous rapporter leur réponse, que l’on rigole un peu ! En quoi un rédacteur web se distingue des autres professions ? C’est un métier plus féminin ? C’est un job passion ? C’est un travail littéraire ? Et alors ? Qu’est-ce qui justifie la gratuité d’un long temps passé à :
- faire des recherches
- synthétiser des recherches
- structurer une idée
- rédiger un texte
- éventuellement l’optimiser… tant qu’à faire !
- relire son texte
- corriger son texte
- envoyer son texte avec cette inquiétude qui lâche peu de rédacteurs, quant à la satisfaction du destinataire.
Et pour aller plus loin qu’est-ce qui justifie le paiement zéro des compétences durement acquises suivantes ?
- connaissances marketing
- savoirs relatifs au SEO, que l’on appelle référencement naturel
- expertise dans la rédaction si spéciale sur le web, voire du storytelling ou du copywriting
- maîtrise approfondie de la langue française, de l’orthographe et de sa syntaxe.
Pourquoi, dans le milieu de la rédaction web, tant de professionnels se permettent de penser que ce temps et ces compétences valent que dalle ?
Le web redacteur a-t-il des journées de 28 heures lui permettant d’offrir 4 heures quotidiennes de son temps de travail ? Dans la production de contenu, les pros ont-ils tant de moyens qu’ils peuvent distribuer, ici et là, les fruits de leur cerveau créatif, de leur expérience et de leurs formations payées rubis sur l’ongle ?
Être visible, ça ne s'échange pas, ça se travaille... gratuitement pour soi !
Rédacteurs web prêts à accepter n’importe quoi pour percer, voici un secret : être visible, c’est facile ! Il suffit de :
- signer ses textes : de nombreux clients assument le fait de faire appel à des rédacteurs professionnels. Ils montrent ainsi leur investissement et leur sérieux dans leur communication digitale
- partager ses connaissances sur les réseaux sociaux, notamment sur LinkedIn (mais aussi Instagram et Facebook)
- tenir et entretenir un blog personnel
- s’inscrire dans des annuaires sérieux (stratégie-multisite.com par exemple)
- s’enregistrer sur des plateformes de mise en relation (comme Malt, Jemepropose, etc.).
Rendre service, oui... à condition que ce soit vous qui le proposiez !
J’ai été très surprise que l’un de mes clients me demande, un matin, de lui « offrir des textes ». Il me l’a présenté comme ça : « j’aurais besoin que tu écrives ou réécrives mes communications destinées aux réseaux sociaux, mais, comme j’ai un tout petit budget, je ne pourrai malheureusement pas te payer. Tu profiteras en retour d’une excellente visibilité puisque j’ai xxxx connexions ».
D’abord, « qui te dit que j’ai besoin de visibilité ? », ai-je pensé.
Or comme c’est un client que j’aime bien, je n’ai pas refusé tout de suite même si je me suis demandé s’il avait conscience de sa demande.
En effet, je ne me vois pas faire de même et arriver chez un peintre, un matin, pour lui dire « écoutez, vous me dressez le portrait (ou vous refaites mon mur, tout dépend du type de peintre !), et, en échange, je parlerai de vous à tous mes voisins. Je prendrai même votre œuvre en photo pour la publier sur Facebook ou LinkedIn avec votre nom ».
L’une de mes amies, dont je ne sais si elle avait trop de temps ou pas assez de répartie, s’est fendue de plusieurs textes. Je lui ai demandé son taux de retour en visibilité… et vous savez quoi ? Zéro ! Une bulle ! Parce qu’après ses 12 à 15 heures de travail bénévole, se sont tournés des regards désabusés qui, au pire, cliquaient sur un pouce sans aller voir le texte, au mieux, le parcouraient sans vraiment chercher l’auteur.
Par ailleurs, si mon client a une telle visibilité, comment m’explique-t-il son « petit budget » ? La visibilité n’est-elle pas la grande porte qui ouvre sur des missions ? À croire que non…
Savais-tu que travailler gratuitement est souvent... illégal ?
Travailler gratuitement, quand on est freelance, est vite considéré par l’URSSAF comme du travail au noir quand la mission est destinée à une entreprise, qui, par essence cherche le profit. Pour une association ou une structure qui ne fait pas de bénéfices, c’est plus acceptable, mais l’URSSAF ne comprend pas bien pourquoi une société n’investit pas dans ses prestataires…
Tu as donc intérêt à bien rédiger ton contrat à titre gratuit si tu ne veux pas, en plus d’accomplir une mission non payée, être sanctionné par des pénalités voire davantage.
Si, après tout, tu t’entêtes, voici un conseil quand tu travailles gratuitement : produis tout de même une facture avec l’intitulé de ton texte, la date de livraison et le montant à 0 euro. Cela servira :
- en cas de contrôle ! Car l’URSSAF, comme dit plus haut, ne conçoit le bénévolat qu’à des fins non lucratives, et peut requalifier ta mission en travail dissimulé lourdement sanctionné
- à ton client, pour se rendre compte du cadeau que tu lui offres
- à toi aussi, pour voir ce que tu ne factures pas.
La (pas du tout) bonne idée des tests gratuits
Tu ne demandes pas à ton plombier de réparer gratuitement tes WC afin de vérifier qu’il peut s’occuper de ta salle de bains ! Ni à ton médecin de soigner ton rhume pour t’assurer qu’il sera compétent sur ta bronchite ! Si tu me prends le rare exemple du fromager qui fait goûter une portion pour vendre son morceau… je te répondrai qu’on n’est plus dans le service, on est dans la vente de biens… et l’échantillon est en général minuscule.
Un article test n’a aucun intérêt si tu as un portfolio (construit grâce à ta communication, et, éventuellement, à des textes gratuits pour des structures non commerciales).
Ces quelques expériences de collègues te parleront :
Au printemps 2019, une enseigne de jouets vintage m'a contactée. Le dirigeant de cette PME cherchait un rédacteur pour leur site web. Il exigeait un texte d'essai gratuit et me dit : "on choisira parmi les textes reçus à qui on demandera un devis". Je lui ai répondu que ça n'était pas dans nos habitudes. Il faut savoir que cette pratique permet à une entreprise de bénéficier de nombreux textes gratuitement. Et il arrive qu'il n'y ait même pas de contrat derrière.
La personne prétendait chercher un traducteur pour un livre, elle m’a demandé de traduire un extrait en guise de test. Après avoir envoyé la traduction je n’ai plus eu de nouvelles. En réalité, cette personne a fait appel à une trentaine de traducteurs sur Upwork et, évidemment, elle n’a jamais engagé personne. Elle se faisait traduire le livre gratuitement en prétextant faire des tests. Depuis, je refuse systématiquement les tests gratuits que ce soit en traduction ou en rédaction web.
Rédacteur web, préserve-toi des mauvaises surprises
Un article test doit être rémunéré pour le temps de travail fourni, et, si tu y tiens vraiment, un peu moins que les articles suivants.
À défaut, la thématique doit être suffisamment proche du besoin client afin qu’il se fasse une idée, mais suffisamment éloignée pour que ton texte ne soit pas réutilisé.
Méfie-toi, aussi, du texte d’essai certes payant, mais ultra facile en vue d’établir un devis intéressant, et qui débouche ensuite sur des articles aux exigences irréalisables, pleins de retours et de consignes supplémentaires. Toujours ajouter dans le devis, une petite phrase spécifiant le nombre de retours, de sources à utiliser et les informations correspondant au texte test. Ajoute une ligne dans laquelle tu indiques qu’une modification de la demande initiale entraînera une réévaluation tarifaire.
Quid des articles invités ?
Je te l’avais dit que tout n’était pas noir ou blanc ! L’article invité (guestblogging), qui consiste à offrir un texte à un site bien référencé pour recevoir un lien en retour peut, dans certains cas, s’avérer utile non seulement à ta visibilité, mais surtout à ton référencement grâce au backlink.
Dans ce cas veille bien à ce que le site sur lequel tu publies :
- soit dans la même ligne éditoriale que celle de ton site
- renvoie bien un lien vers ton site
- soit de qualité, avec un excellent trust flow
- bénéficie d’un bon référencement susceptible de t’envoyer du jus (du trafic).
Rien ne t'empêche de faire un geste commercial... mais c'est toi qui décides !
Lorsque l'on a parlé de ce sujet avec Audrey, elle nous a confié qu'il lui arrivait de rendre des "services" à des clients. C'est même plutôt sain dans une relation commerciale.
J'ai des clients réguliers qui me demandent "un conseil", "une petite relecture", je n'ai aucun problème avec ça car jusqu'ici, c'est toujours raisonnable et justifié. Donc, même s'ils ne demandent pas que ça soit gratuit, je ne facture pas toujours la prestation, je considère ça comme un geste commercial.
Audrey Clabeck
Et rien ne t'empêche de pousser un coup de gueule gratuit !
Si tu as quelque chose à revendiquer, revendique ! Lâche-toi ! Le web n’est pas qu’un gigantesque centre commercial !
Bref, le travail gratuit n'est pas du travail !
C’est du bénévolat, un service rendu.
Derrière le travail gratuit, on a quand même la belle image d’une mission d’amateur, qui écrit pour le plaisir, et non de celle d’un professionnel, qui lui, dispose d’un portfolio et connait sa valeur.
Par ailleurs, solliciter un travail non rémunéré, c’est s’endetter, c’est devoir programmer un retour d’ascenseur. Comment, quand on reçoit, se permettre d’exiger une certaine qualité, détailler un briefing, demander des modifications ? Un merci sera le bienvenu si la relation doit se maintenir, mais que faire alors d’un texte inadapté, écrit « contre mauvaise fortune bon cœur » ?
La gratuité doit être une démarche volontaire, non quémandée, et pour un organisme sans but lucratif, non pas pour une entreprise dont les profits méritent un investissement. C’est à la fois une question de moralité… et de légalité !
Dans notre système de vases communicants, plus le gratuit s’étendra, plus le payant se réduira.
Et plus le temps de rédaction sera accordé au gratuit, moins il le sera à la réelle prospection.
Les tarifs sont, par rapport à la décennie précédente, de plus en plus bas face à la concurrence d’un marché francophone international. Quand tu travailles gratuitement, même si tu es
débutant, tu te tires une balle dans le pied, d’une part, et tu fais montre d’une vision bien myope de l’avenir !
Alors, si, toi aussi, tu es choqué par certaines demandes, n’hésite pas à t’abonner au groupe Facebook « pigeon gratuit » qui te donnera quelques exemples et t’aidera à te défendre !
Et quand on est demandeur sans budget, il n’est pas inutile de se rappeler de l’adage : « on n’est jamais mieux servi que par soi-même » !
Emma Ménébrode - Rédactrice, correctrice.
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Maxime Esteban (vendredi, 22 octobre 2021 17:31)
Super article!
Le titre est terrifiant quand même
On retrouve ce phénomène chez certains restaurateurs, leurs arguments pour faire jouer gratuitement les musiciens est une visibilité, "pour vous faire connaitre" disent-ils, en plus on vous offre le repas! Ou une bière...
J'étais loin d'imaginer que c'est le cas parfois en rédaction web.